Bon, c'est décidé, je vends ma meule. Pas n'importe laquelle, hein, ma
meule. Celle pour qui j'ai cassé ma tirelire, enfin, celle pour qui
j'ai raqué mon premier crédit. Celle que j'ai attendue trois mois
avant qu'elle ne soit prête, celle qui bouffait six litres d'huile au
mille, au début. Celle qui m'a fait rencontrer Mosquito, celle qui m'a
fait rencontrer Manolo, celle qui m'a fait rencontrer Lolo. Celle qui
a eu des soeurs ainées, des cadettes autour d'elles. Celle dont j'ai
maudit l'allumage une paire de fois. Celle dont j'ai changé les
segments, rodé les soupapes, calé les rupteurs, réglé la synchro,
refait l'embrayage, changé les câbles, les pneus, les batteries, les
roulements, les bagues, les joints, les chaines, les couronnes, les
pignons, et les bougies. Celle qui a un démarreur mais qu'on démarre
au kick. Celle qui a eu quatre guidons, des pneus dépareillés, deux
jeux de pots d'échappements, des chicanes amovibles. Celle qu'a fumé
deux allumages électroniques ( Messieurs Boyer et Brandsen, je vous
compisse). Celle qui vibrait et qui perdait des morceaux. Celle qui
m'a fait connaître des employés d'Inter Mutuelle Assistance. Celle que
j'ai patiemment fiabilisée. Celle qu'était toujours la plus vieille
aux Net Concentres. Celle qu'était toujours la plus belle aux Net
Concentres. Celle que supportait Paulette, celle qu'elle regrettera.
Celle qui m'a emmenée aux Coupes Moto Légende, au sommet du col de la
Couillole, sur la route de la Bonnette, en Vallée d'Aspe, dans le
Golfe du Morbihan, sur le plateau de l'Aubrac, dans le Vercors, au
cirque de Navacelles, sur le route de Bouleternère, dans les gorges du
Verdon, du Tarn, de la Dourbie, de la Jonte, de Cyans, sur le causse
Méjean, le Sauveterre et le Noir, dans le Cantal, dans le Livradois et
le Forez, dans la vallée du Loir, en Forêt de Bercé ou dans les Alpes
Mancelles et ailleurs. Celle qui hurlait dans ses pots libérés, celle
qui tannait le cul et les pognes, celle qui freinait pas. Celle à qui
il manquait des watts, celle à qui il manquait un cadre, mais surtout
celle à qui il manquait un pilote. Celle qu'était mon excuse pour pas
rouler vite. Celle qui m'a collé la honte en tombant de sa béquille
devant les terrasses des bistrots, celle dont j'étais fier tout le
reste du temps.
Celle qui ne m'a jamais foutu par terre, qui m'a jamais laissé tomber.
Celle-là, quoi : http://polaroil.free.fr/xs650/Tribute/
(plein de photos)
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Paulo Polaroil